Violences contre les femmes : Web et réseaux sociaux, dernier recours des victimes
Violences conjugales, harcèlement et agressions sexuelles, viols, mariages forcés… Plus de 52% des Marocaines sont victimes de violences de tout genre. Si peu de femmes osaient parler, par souci du qu’on-dira-t-on ou même par ignorance, l’espace numérique a offert une échappatoire à ces victimes.
«J’ai 28 ans, j’ai deux enfants et je vis avec la famille de mon mari. Depuis des mois, mon mari et sa famille ne cessent de m’humilier, m’attaquer et mon mari a même osé me frapper devant mes enfants plusieurs fois. Je ne travaille pas et mes parents ne veulent pas que je rentre chez eux. Que puis-je faire ? aidez mois s’il vous plait». Ce texte est un «SOS», publié par une jeune femme anonyme sur le groupe Facebook «Solidarité féminine ». Un post qui n’a pas tardé à récolter plus de 300 commentaires. Des femmes proposent de l’aide, du soutien, lui suggèrent de reprendre ses études et de trouver un emploi…. Cette femme ni n’est la première ni la dernière à avoir recours à ce genre de groupes.
Subir des représailles
Si la ministre de tutelle, Awatif Hayar, vient de révéler que 57% des femmes sont victimes de violences, les statistiques montrent que peu d’entre elles osent porter plaintes. En contrepartie, de plus en plus de femmes ont trouvé un espace de soutien et de solidarité sur des groupes Facebook dédiés. En effet, parler de la violence que ces femmes subissent peut-être difficile, car elles ont peur de ne pas être crues ou de subir des représailles. Les groupes de femmes sur les réseaux sociaux leur offrent un espace sûr pour partager leur histoire et obtenir le soutien dont elles ont besoin.
L’un de ces groupes est «Non à la violence », créé par Fatima, une jeune femme marocaine. Elle a créé ce groupe après avoir été victime d’abus sexuels et de violences de la part de son ex-mari. «Je ne savais pas quoi faire et j’avais besoin de parler à quelqu’un qui comprenait ce que je vivais», a-t-elle déclaré. «J’ai créé ce groupe pour aider les femmes qui sont dans la même situation que moi». Des femmes de toutes les régions du Maroc rejoignent ces groupes pour partager leur histoire et trouver du réconfort auprès d’autres femmes. «Je me suis inscrite à un groupe de femmes après avoir été harcelée par mon patron», a déclaré Sarah, une femme de 25 ans basée à Fes. «Je me sentais seule et je ne savais pas quoi faire.
Mon patron était très intelligent et je n’avais donc pas de preuves contre lui. J’ai eu une dépression grave avant de rejoindre ce groupe et d’avoir trouvé des femmes incroyables qui m’ont soutenue et ont partagé leurs propres histoires avec moi. Cela m’a aidé à me sentir moins seule». Ces groupes de femmes sur les réseaux sociaux offrent également des conseils pratiques sur les étapes à suivre pour signaler la violence ou le harcèlement. «Je suis membre d’un groupe de femmes qui se concentre sur la violence domestique », a déclaré Maria, une femme de 34 ans. «J’ai appris tellement de choses utiles, comme les numéros à appeler pour obtenir de l’aide et les lois qui peuvent me protéger. Cela m’a aidé à être mieux préparée si jamais ne je me retrouve dans une situation similaire à l’avenir». L’un des groupes les plus populaires est «Les superbes», qui compte des milliers de membres. Le groupe a été créé en 2018 et est devenu un espace important pour les femmes qui cherchent à briser le silence sur la violence. Une des administratrices du groupe, Jamila, explique que «les femmes viennent à nous pour raconter leur histoire, pour chercher des conseils et du soutien. C’est un espace pour elles, pour qu’elles sachent qu’elles ne sont pas seules.»
La violence, un fléau
Les SOS publiés quotidiennement sur ces groupes prouvent qu’au Maroc, les violences contre les femmes sont un problème important et répandu, qui touche toutes les couches de la société. En effet, les chiffres sont alarmants : selon une enquête menée en 2019 par le Haut-Commissariat au Plan, 54,9% des femmes marocaines ont été victimes de violences au moins une fois dans leur vie, et 13,9% ont été victimes de violences sexuelles. En outre, le nombre de cas signalés de violence contre les femmes est probablement bien inférieur au nombre réel de cas. Pour sa part, le «Forum Azzahrae» pour la femme marocaine présente des chiffres encore plus alarmants. Dans les détails, 3.689 cas de violences à l’égard des femmes ont été enregistrés au Maroc. La violence psychologique représente le taux le plus élevé avec 47%, suivie de la violence économique avec 45%, la violence physique 21% et la violence sexuelle 8%.
L’urgence d’une stratégie
Toutefois, beaucoup de femmes ne dénoncent pas ces violences aux autorités à cause s de «la peur de l’agresseur, de briser la famille, prévention de la famille ou des enfants contre toute forme de harcèlement, méconnaissance des procédures à suivre…». «Comment pouvons-nous faire avancer la société et les femmes qui en constituent la moitié qui perdent leurs droits et sont exposées à la discrimination, à la violence et à la marginalisation ?», avait affirmé Sa Majesté le Roi Mohammed VI le 10 octobre 2003.
20 ans après, beaucoup de femmes victimes de violences se dirigent envers ces groupes, qui peuvent parfois représenter des dangers sur elles, au lieu de se diriger envers les autorités, les cellules d’écoutes et les associations ? Est-ce un fiasco des politiques publiques destinés à protéger les femmes ? Depuis 2012, le gouvernement marocain a pris des mesures pour lutter contre les violences contre les femmes, notamment en adoptant la loi 103-13, qui criminalise de nombreuses formes de violence, y compris la violence sexuelle et la violence conjugale. La loi prévoit également des sanctions plus sévères pour les auteurs de violences.
Partage d’informations
Cependant, la mise en oeuvre de cette loi reste insuffisante, et les statistiques prouvent que nombreuses femmes continuent de subir des violences, ce qui souligne l’urgence d’une stratégie gouvernementale pour sensibiliser la population à la gravité de ce problème et pour renforcer les mesures de protection et de soutien pour les femmes victimes de violence. De leur part, les organisations non-gouvernementales (ONG) représentent également des acteurs clés dans la lutte contre les violences faites aux femmes. En effet, ces associations offrent un large éventail de services aux femmes victimes de violence, y compris des abris d’urgence, des conseils juridiques et une assistance psychologique.
laimina Mehdi, chargé de projet dans l’association Tahadi pour l’Égalité et la Citoyenneté nous annonce que «Les différentes associations ont été présentes pour soutenir les femmes et faire le plaidoyer contre les violences faites aux femmes bien ——avant l’existence des réseaux sociaux», en précisant que «le mouvement associatif constitue un lobby pour défendre les droits de ces femmes et offre plus d’une centaine de centres d’écoutes qui offrent à la fois des conseils juridiques et une assistance psychologique aux victimes.» L’association Tahadi pour l’Égalité et la Citoyenneté, a par exemple deux centres d’accueils dans la ville de Casablanca, où les femmes victimes de violences peuvent profiter des services d’accueil, d’accompagnement juridique et de soutien psychologique.
Pour le fervent défenseur des droits de la femme «La multiplication de ces groupes dédiés aux partage d’expériences et de soutien entre les femmes est quelque chose de très positif. Cela ne remplace aucunement le rôle de la société civile, puisque notre travail touche également les femmes qui n’ont pas encore accès aux outils technologiques». Mehdi souligne toutefois « La nécessité de présence d’assistantes sociales sur ces groupes, vu que le partage d’informations et de conseils surtout doit se baser un savoir académique et une grande expérience, sinon cela représente un risque sur les victimes qui sont déjà en situation de vulnérabilité. »
Il va sans doute que les groupes de femmes sur les réseaux sociaux sont devenus une source importante de soutien pour les femmes qui subissent de la violence et du harcèlement. Ils offrent un espace sûr pour partager des histoires, obtenir des conseils et trouver du réconfort auprès d’autres femmes qui comprennent ce qu’elles traversent. Alors que la violence et le harcèlement continuent d’être des problèmes mondiaux, ces groupes de femmes sur les réseaux sociaux offrent un espoir et un moyen de soutien pour les femmes qui cherchent à s’en sortir.
Source : https://www.maroc-hebdo.press.ma/violences-femmes-web-reseaux-sociaux-victimes
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